vendredi 31 mai 2013

2. Wespe

Wespe

Ce matin j’ai été dérangé par un fort bourdonnement tout près de ma tête. J’ai levé les yeux à la recherche de la mouche, mais j’ai plutôt découvert une guêpe prise entre la fenêtre ouverte et la moustiquaire. Le fait eut resté sans conséquence (sans l’écriture de ce texte) sans ce détail : dans ma tête, un mot de cinq lettres s’est automatiquement formé à la vue de l’insecte et ce n’était pas guêpe, mais bien wespe, le mot allemand. Je ne parle pas allemand, je n’ai pas d’affection particulière pour le pays de la bière et de la choucroute, ce n’est pas un de mes projets de voyage. Alors qu’est-ce qu’un mot allemand vient faire dans ma vie de si bonne heure un vendredi (le dernier vendredi, le dernier jour à Stoneham avant mon départ)?

Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques? plus connu sous le nom de Bladerunner est un livre complètement délirant de Philip K. Dick qui met en scène un chasseur d’androïde nommé Rick Deckard. Celui-ci interroge dans le cadre d’une enquête une cantatrice (non, elle n’est pas chauve) qui se dit venir d’Allemagne et lui demande quelle réaction elle aurait si une guêpe se posait sur son bras. Bien sûr, elle ne comprend pas la question et Rick doit lui parler de wespen (wespe au pluriel si je ne m’abuse) plutôt que de guêpes.

J’ai ouvert la fenêtre très grande, elle s’est cognée une bonne minute sur la vitre, puis est partie. Non, elle ne m’a pas remercié, mais comme c’est moi qui avais ouvert la fenêtre où elle était prise, je ne lui en tiens pas rigueur, nous sommes quittes, mais ce qui m’énerve, c’est cette spontanéité avec laquelle j’ai pensé wespe plutôt que guêpe.

Dans le roman de Philip K. Dick, le test Voigt-Kampff est l’un des derniers pouvant retracer les androïdes qui se font passer pour des humains. Ce test mesure les signaux nerveux liés à l’empathie, une émotion que les machines ne peuvent pas ressentir, mais seulement imiter avec toujours un certain décalage. Le testeur pose des questions et les appareils mesurent certains influx nerveux chez le suspect.

Ces questions mettent le testé face à son empathie et sa peur en traitant d’animaux menaçants, tués, mangés, blessés, etc., jusqu’à en venir à parler de sexualité, puis de bébés humains.

Selon Philip K. Dick, les robots ne peuvent pas ressentir l’empathie, tout simplement parce que cette notion réduirait leurs chances de survie, comme une araignée empathique mourrait de faim plutôt que d’occasionner de la souffrance et de la peur à ses victimes. À l’inverse, l’humanité sans empathie ne serait pas allée très loin, bien que cette émotion soit à double-tranchant. D’un côté, en plus de permettre l’alliance humaine face aux forces de la nature, l’empathie permet à certaines formes d’énergie positive de se répandre dans une communauté, mais, en contrepartie; toute émotion négative est susceptible de détruire le moral de l’ensemble d’une population par effet grégaire.

Tout ça pour une guêpe, et après tout, c’était peut-être une abeille.

À méditer.

Odin

Aucun commentaire:

Publier un commentaire